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La Croatie, le cheval de Troie de l’amiante au sein de l’UE

Cancer du poumon, cancer de la plèvre, asbestose, cancers de l’intestin et du rein, pathologies chroniques affectant les poumons et d’autres organes… Malgré ces maladies, la Croatie continue d’importer des produits comprenant de l’amiante. Ces derniers sont pourtant interdits par la loi depuis le 1er janvier 2006, une condition nécessaire pour l’accession de Zagreb au statut de membre à part entière de l’Union européenne.

D’après des documents de l’administration des douanes, certains produits contenant de l’amiante entrent sans problème sur le marché croate – ils sont même déclarés à la frontière ! Entre début 2011 et fin 2013, 5 834 tonnes de produits contenant de l’amiante seraient ainsi entrés en Croatie, dont 5 000 tonnes de plaques d’amiante pour les toitures, vraisemblablement importées d’Ukraine. Entre l’entrée de la Croatie dans l’UE (1er juillet 2013) et mars 2014, plus de 100 tonnes de produits avec de l’amiante ont passé la frontière croate, notamment des plaquettes de freins ou encore des tuyaux. Les autorités n’ont même pas jugé bon d’interdire l’importation de 75 kg de crocidolite raffinée, ou amiante bleu, un produit tristement célèbre depuis des dizaines d’années pour être le minerai le plus toxique du monde à l’état naturel. La cargaison a été dûment déclarée et soumise à des droits de douane.

Il y a trois ans, des experts mandatés par Bruxelles ont estimé que, d’ici à 2030 et pour la seule Europe occidentale, 500 000 citoyens allaient mourir des suites de leur exposition à l’amiante. Ayant anticipé ce phénomène, l’UE a donc décidé, il y a une dizaine d’année, avec les directives 1999/77/EC et 2003/18/EC, que ses États membres devraient, à compter du 1er janvier 2005, interdire toute production, utilisation, importation et même transport des produits contenant de l’amiante. Même avec une stricte application de ces règles, on estime que le nombre de personnes atteintes d’une pathologie liée à l’amiante devrait augmenter jusqu’à 2018, et que le nombre de nouveaux malades ne devrait commencer à stagner qu’après cette date.

Comment se fait-il que la Croatie ne se conforme pas aux directives en question ? En 2012 déjà, l’hebdomadaire Forum révélait que la Croatie avait, entre 2006 et 2012, importé 11 667 tonnes de produits contenant de l’amiante, dont 87 % en provenance d’États membres de l’UE. Ces importations étaient pourtant contraire aux lois croates, censées avoir intégré le droit communautaire. C’est que le règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques (REACH) comporte une faille : il n’oblige les membres de l’UE à interdire l’amiante que pour le marché européen. L’export vers un pays tiers, voire même la production de dérivés de l’amiante à destination de l’exportation, est donc parfaitement autorisé.

La Croatie, bien que candidate à l’adhésion, était précisément à l’époque un pays tiers, et les gouvernements de Slovénie, de Hongrie, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Espagne et d’Italie n’ont éprouvé aucun scrupule à nous livrer ces matériaux. Et la seule chose à avoir changé depuis que nous avons intégré la « famille européenne », c’est que nous importons ces substances de pays non-membres. H-alter a ainsi déniché quelques petites entreprises important régulièrement des plaques d’amiante depuis l’Ukraine. Leurs affaires semblent prospères, et ne s’inquiètent pas le moins du monde d’éventuels problèmes à la frontière – avec raison, notre douane ne faisant aucune difficulté. Pourquoi ?

Selon les autorités douanières, déterminer si les marchandises importées sont conformes ou non aux prescriptions sanitaires ne relève pas de leur responsabilité, mais de celle du Service d’inspection sanitaire aux frontières. Autrement dit, ce sont les inspecteurs sanitaires aux frontières qui autorisent ou non les douaniers à laisser entrer des marchandises toxiques ou dangereuses pour la santé. Or, l’administration des douanes est une agence du ministère des Finances, alors que le Service d’inspection sanitaire aux frontières dépend du ministère de la Santé. D’où la faille.

Dans les manuels sur les procédures aux frontières, les douaniers ne sont pas tenus d’informer les inspecteurs sanitaires, qui eux n’ont pas à inspecter les camions. Les deux entités ne communiquent pas, et c’est donc le conducteur qui devrait lui même déclarer qu’il transporte une cargaison inscrite sur la liste des produits chimiques interdits à la circulation du ministère de la Santé. Un scénario digne des Monty Python. Dans cette affaire, la Croatie ne respecte donc absolument pas le chapitre 23 de l’acquis communautaire qu’elle a formellement rempli – chapitre portant sur la solidité du système juridique, sur la lutte contre la corruption, sur l’État de droit et le respect des droits humains fondamentaux.

215 ouvriers de l’usine Salonit, à Vranjic, ont été diagnostiqués de l’asbestose, et les statistiques au sujet d’autres maladies de l’amiante sont aujourd’hui inexistantes. D’ailleurs, l’un des rares documents officiels au sujet des morts causées par l’amiante, c’est la liste des décès de la circonscription de Sveti Martin, à Vranjic. Sur une quarantaine d’années, environ 150 personnes sont décédés à cause de la « maladie de Vranjic ». Une situation tragique due le plus souvent à la corruption. Ainsi, en 2007, au cours d’un processus d’assainissement, des déchets cancérigènes ont été déversés sur le site de Mravinačka kava, dans une simple fosse résultant de l’exploitation de la marne. Rappelons que l’État avait déboursé pour cet « assainissement » pas moins de 111 millions de kunas (14 millions d’euros), et l’USKOK a, en 2010, incriminé Vinko Mladineo, jusqu’alors à la tête du Fond pour la protection de l’environnement.

L’UE a, quant à elle, lancé le processus d’interdiction totale de l’amiante dès 1976, et la justice européenne prévoit aujourd’hui des peines sévères pour quiconque y contrevient. Le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Louis de Cartier de Marchienne ont ainsi, il y a quelques années, été condamnés à Turin à seize ans de prison et 300 millions euros de dommages et intérêts à verser aux malades et aux familles de plus de 2 000 personnes ayant trouvé la mort suite à leur travail dans l’entreprise Eternit.

Pendant ce temps, en Croatie, personne n’a à répondre de l’empoisonnement de nos concitoyens. Ni l’État ni la justice ne semblent se soucier outre mesure de l’application de la loi. C’est ainsi que notre pays, seul marché pour les produits contenant de l’amiante au sein de l’UE, apparaît comme le cheval de Troie de l’amiante au sein de l’Union.

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Centre de formation en prévention du risque amiante sous-section 4 en Rhône-Alpes et sur toute la France.

Indre-et-Loire l'amiante retarde les réparations de toiture

Les dégâts de la grêle de juin 2013 et 2014 ne sont pas tous réparés : souvent, c’est la faute à l’amiante que l’on trouve dans certains types de toiture.

Il y a encore beaucoup de bâches sur les toitures : le passage des orages de grêle le 17 juin 2013 et le 9 juin 2014 n'a pas encore été effacé. Les raisons ne sont pas les mêmes quand il s'agit de toitures au centre-ville de Tours (lire ci-dessous), ou sur Ballan-Miré ou Tours-Nord.

Au centre-ville, pas de toiture en fibrociment qui contient de l'amiante, ce qui n'est pas le cas sur Ballan-Miré ou Tours-Nord où c'est la raison principale du retard dans les réparations. « Il y a plusieurs cas de figure », explique Romain Garraud, responsable commercial de l'entreprise de couverture SARL Bastard à Ballan-Miré. « S'il y a seulement quelques ardoises en fibrociment à changer, l'inspection du travail ferme les yeux et on le fait. Mais si c'est toute la toiture qu'il faut remanier, une entreprise de couverture n'a pas le droit d'y toucher, sauf si elle a l'agrément désamiantage. Passer outre pourrait être grave pour elle : l'inspection du travail pourrait obtenir sa fermeture ; ou même, si l'inspection du travail n'est pas au courant, le propriétaire du toit remanié qui ne pourrait présenter un certificat de désamiantage serait dans l'impossibilité de vendre son bien… »

" Cela nous a apporté beaucoup de travail "

Donc, il faut faire appel à des entreprises de désamiantage. Or il n'y en a que trois en Touraine et elles sont un peu débordées par la demande depuis l'orage du 9 juin dernier. « Je dois dire que le malheur des uns fait le bonheur des autres », concède Pierre Jahant, directeur d'Amiante 37, une des entreprises spécialisées dans le désamiantage. « Il faut être honnête, cela nous a apporté beaucoup de travail, même si, dans un premier temps, ça a généré aussi beaucoup de paperasse… Car la procédure est très entourée par l'administration : elle doit viser le plan de désamiantage avant qu'on puisse intervenir. Et puis dans notre type d'activité, on n'a pas le droit de faire appel à l'intérim ou aux CDD quand il y a un surcroît de travail. Tel que c'est, et à condition que la météo ne nous contrarie pas, on n'aura pas apuré la situation avant avril ou mai prochain. » Ce que confirme Romain Garraud. « Actuellement, j'ai encore 150 devis à établir suite à la grêle de juin dernier ! Et j'en suis à planifier des chantiers pour avril ou mai 2015… Je crois qu'on va mettre plus d'un an et demi pour absorber toutes les conséquences de l'orage. » Pour ne pas être dépendantes des entreprises de désamiantage, les entreprises de toiture sont plus nombreuses à demander leur agrément pour le désamiantage : « Nous sommes en cours d'agrément », confie Romain Garraud. « C'est très long : ça fait huit ans qu'on le demande », constate Christophe Druais, directeur de Crété Entreprise. Donc, de toute façon, les éventuels agréments ne suffiront pas à rattraper le retard. Tout juste cela aidera pour l'avenir. Rendez-vous au prochain orage…

François Bluteau pour la Nouvelle République

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