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2 200 nouveaux cancers et 1700 décès par an en France

Les constatations d'une étude de l'Institut national de veille sanitaire (INvS) consacrée aux répercussions de l'amiante sur la santé des Français ont été dévoilées mardi.                 

L'exposition professionnelle à l'amiante, matériau isolant massivement utilisé dans l'industrie et le bâtiment avant d'être interdit en 1997, serait responsable de près de 2.200 nouveaux cas de cancers et 1.700 décès chaque année, selon des estimations de l'Institut national de veille sanitaire (INvS) publiées mardi.

«Le poids des cancers pour les sites liés à l'amiante de façon certaine (poumon, mésothéliome, larynx, ovaire) demeure très important puisqu'il est estimé entre environ 2.200 et 5.400 cas par an en France, touchant de façon majoritaire les hommes pour les cancers respiratoires», relève le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'institut.

Le cancer du poumon arrive très largement en tête des cancers professionnels attribuables à l'amiante, avec 1328 à 3709 nouveaux cas estimés, dont seulement 56 à 81 sont des femmes, et 1004 à 2805 décès en 2012, dont 43 à 62 femmes. «Nous avons retenu deux niveaux de risque relatif de développer un cancer lié à l'exposition professionnelle à l'amiante», précise Annabelle Gilg Soit Ilg, épidémiologiste à l'InVS, rappelant que les secteurs exposés (industries, bâtiment…) emploient majoritairement des hommes.

Entre 68.000 et 100.000 décès d'ici à 2050

Près de 615 à 822 décès par cancer de la plèvre en 2012 pouvaient être imputés à une exposition professionnelle à l'amiante. Également appelé mésothéliome, ce cancer a pour seul facteur de risque avéré à ce jour l'exposition à l'amiante, contrairement au cancer du poumon, favorisé par le tabagisme. Cependant, une augmentation sensible des nouveaux cas de mésothéliome a été signalée entre la fin des années 90 et la fin des années 2000, notamment chez les femmes alors que pour 28 % d'entre elles, aucune exposition à l'amiante n'a été constatée, relève l'InVS.

«On ne sait pas très bien pourquoi» les mésothéliomes sont en augmentation chez les femmes, reconnaît le Pr Gilg Soit Ilg, qui souligne que ces deux cancers apparaissent généralement de très nombreuses années après l'exposition à l'amiante, ce qui complique le travail des chercheurs.

Interdite depuis 1997
Pour la première fois en France, les scientifiques ont soulevé la possible responsabilité d'une exposition à l'amiante dans 129 à 731 nouveaux cas de cancers du larynx et 46 à 55 cancers de l'ovaire découverts en 2012. Depuis 2009, ces deux pathologies font partie de la liste des maladies induites par l'exposition à l'amiante, établie par l'agence pour le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
L'amiante pourrait tuer entre 68.000 et 100.000 personnes d'ici à 2050 en France, dont 50.000 à 75.000 des suites d'un cancer du poumon et 18.000 à 25.000 des suites d'un mésothéliome, selon des estimations publiées en août dernier par le Haut conseil de la santé publique (HCSP).

En France la fabrication, importation ou commercialisation de l'amiante est interdite depuis 1997, et «toute personne ayant été exposée à de l'amiante peut obtenir, sous conditions, une indemnisation pour les préjudices causés par cette exposition» auprès du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), depuis 2001.

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La Croatie, le cheval de Troie de l’amiante au sein de l’UE

Cancer du poumon, cancer de la plèvre, asbestose, cancers de l’intestin et du rein, pathologies chroniques affectant les poumons et d’autres organes… Malgré ces maladies, la Croatie continue d’importer des produits comprenant de l’amiante. Ces derniers sont pourtant interdits par la loi depuis le 1er janvier 2006, une condition nécessaire pour l’accession de Zagreb au statut de membre à part entière de l’Union européenne.

D’après des documents de l’administration des douanes, certains produits contenant de l’amiante entrent sans problème sur le marché croate – ils sont même déclarés à la frontière ! Entre début 2011 et fin 2013, 5 834 tonnes de produits contenant de l’amiante seraient ainsi entrés en Croatie, dont 5 000 tonnes de plaques d’amiante pour les toitures, vraisemblablement importées d’Ukraine. Entre l’entrée de la Croatie dans l’UE (1er juillet 2013) et mars 2014, plus de 100 tonnes de produits avec de l’amiante ont passé la frontière croate, notamment des plaquettes de freins ou encore des tuyaux. Les autorités n’ont même pas jugé bon d’interdire l’importation de 75 kg de crocidolite raffinée, ou amiante bleu, un produit tristement célèbre depuis des dizaines d’années pour être le minerai le plus toxique du monde à l’état naturel. La cargaison a été dûment déclarée et soumise à des droits de douane.

Il y a trois ans, des experts mandatés par Bruxelles ont estimé que, d’ici à 2030 et pour la seule Europe occidentale, 500 000 citoyens allaient mourir des suites de leur exposition à l’amiante. Ayant anticipé ce phénomène, l’UE a donc décidé, il y a une dizaine d’année, avec les directives 1999/77/EC et 2003/18/EC, que ses États membres devraient, à compter du 1er janvier 2005, interdire toute production, utilisation, importation et même transport des produits contenant de l’amiante. Même avec une stricte application de ces règles, on estime que le nombre de personnes atteintes d’une pathologie liée à l’amiante devrait augmenter jusqu’à 2018, et que le nombre de nouveaux malades ne devrait commencer à stagner qu’après cette date.

Comment se fait-il que la Croatie ne se conforme pas aux directives en question ? En 2012 déjà, l’hebdomadaire Forum révélait que la Croatie avait, entre 2006 et 2012, importé 11 667 tonnes de produits contenant de l’amiante, dont 87 % en provenance d’États membres de l’UE. Ces importations étaient pourtant contraire aux lois croates, censées avoir intégré le droit communautaire. C’est que le règlement sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et les restrictions des substances chimiques (REACH) comporte une faille : il n’oblige les membres de l’UE à interdire l’amiante que pour le marché européen. L’export vers un pays tiers, voire même la production de dérivés de l’amiante à destination de l’exportation, est donc parfaitement autorisé.

La Croatie, bien que candidate à l’adhésion, était précisément à l’époque un pays tiers, et les gouvernements de Slovénie, de Hongrie, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Espagne et d’Italie n’ont éprouvé aucun scrupule à nous livrer ces matériaux. Et la seule chose à avoir changé depuis que nous avons intégré la « famille européenne », c’est que nous importons ces substances de pays non-membres. H-alter a ainsi déniché quelques petites entreprises important régulièrement des plaques d’amiante depuis l’Ukraine. Leurs affaires semblent prospères, et ne s’inquiètent pas le moins du monde d’éventuels problèmes à la frontière – avec raison, notre douane ne faisant aucune difficulté. Pourquoi ?

Selon les autorités douanières, déterminer si les marchandises importées sont conformes ou non aux prescriptions sanitaires ne relève pas de leur responsabilité, mais de celle du Service d’inspection sanitaire aux frontières. Autrement dit, ce sont les inspecteurs sanitaires aux frontières qui autorisent ou non les douaniers à laisser entrer des marchandises toxiques ou dangereuses pour la santé. Or, l’administration des douanes est une agence du ministère des Finances, alors que le Service d’inspection sanitaire aux frontières dépend du ministère de la Santé. D’où la faille.

Dans les manuels sur les procédures aux frontières, les douaniers ne sont pas tenus d’informer les inspecteurs sanitaires, qui eux n’ont pas à inspecter les camions. Les deux entités ne communiquent pas, et c’est donc le conducteur qui devrait lui même déclarer qu’il transporte une cargaison inscrite sur la liste des produits chimiques interdits à la circulation du ministère de la Santé. Un scénario digne des Monty Python. Dans cette affaire, la Croatie ne respecte donc absolument pas le chapitre 23 de l’acquis communautaire qu’elle a formellement rempli – chapitre portant sur la solidité du système juridique, sur la lutte contre la corruption, sur l’État de droit et le respect des droits humains fondamentaux.

215 ouvriers de l’usine Salonit, à Vranjic, ont été diagnostiqués de l’asbestose, et les statistiques au sujet d’autres maladies de l’amiante sont aujourd’hui inexistantes. D’ailleurs, l’un des rares documents officiels au sujet des morts causées par l’amiante, c’est la liste des décès de la circonscription de Sveti Martin, à Vranjic. Sur une quarantaine d’années, environ 150 personnes sont décédés à cause de la « maladie de Vranjic ». Une situation tragique due le plus souvent à la corruption. Ainsi, en 2007, au cours d’un processus d’assainissement, des déchets cancérigènes ont été déversés sur le site de Mravinačka kava, dans une simple fosse résultant de l’exploitation de la marne. Rappelons que l’État avait déboursé pour cet « assainissement » pas moins de 111 millions de kunas (14 millions d’euros), et l’USKOK a, en 2010, incriminé Vinko Mladineo, jusqu’alors à la tête du Fond pour la protection de l’environnement.

L’UE a, quant à elle, lancé le processus d’interdiction totale de l’amiante dès 1976, et la justice européenne prévoit aujourd’hui des peines sévères pour quiconque y contrevient. Le milliardaire suisse Stephan Schmidheiny et le baron belge Louis de Cartier de Marchienne ont ainsi, il y a quelques années, été condamnés à Turin à seize ans de prison et 300 millions euros de dommages et intérêts à verser aux malades et aux familles de plus de 2 000 personnes ayant trouvé la mort suite à leur travail dans l’entreprise Eternit.

Pendant ce temps, en Croatie, personne n’a à répondre de l’empoisonnement de nos concitoyens. Ni l’État ni la justice ne semblent se soucier outre mesure de l’application de la loi. C’est ainsi que notre pays, seul marché pour les produits contenant de l’amiante au sein de l’UE, apparaît comme le cheval de Troie de l’amiante au sein de l’Union.

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